Les plantes surveillent constamment leur environnement et ajustent l’allocation de leurs ressources : elles stimulent la croissance ou au contraire la ralentissent pour mieux s’adapter à des conditions climatiques extrêmes ou se défendre face à des agressions microbiennes. Cette balance est régulée par des réseaux d’hormones qui agissent de façon synergique ou antagoniste pour déployer la meilleure réponse et favoriser la survie.
L’antagonisme entre la formation des hormones de type jasmonates (JAs) et la croissance végétative est connue de longue date. L’acide jasmonique (JA) est produit rapidement en cas d’attaque par un insecte herbivore ou une infection, et acquiert son activité hormonale par formation du conjugué JA-Ile, lequel va déclencher la synthèse d’une multitude de composés de défense, tout en ralentissant la photosynthèse et la croissance. JA peut alternativement être oxydé par des enzymes appelées Jasmonic Acid Oxidases (JAO) en hydroxy-JA (OH-JA), un intermédaire inactif conduisant à des formes présumées de stockage.
Dans une étude publiée le 24 avril 2025 dans Plant Physiology, Thierry Heitz et ses collègues de l’équipe d’Emmanuel Gaquerel à l’IBMP montrent, à l’issue d’une collaboration entre 4 laboratoires en France et en Allemagne, que ces deux destins métaboliques de JA sont à la base d’un mécanisme important de régulation de la balance croissance/défense chez le Riz.
Sur un modèle découvert précédemment chez la plante de laboratoire Arabidopsis thaliana, les chercheurs ont démontré l’existence d’une famille d’enzymes oxydant JA chez le Riz, et découvert leur rôle régulateurconservé chez cette céréale. En générant par CrisprCas9 une série de lignées déficientes dans un ou plusieurs gènes JAO, il est apparu que la croissance des jeunes plantes est progressivement retardée. Leur analyse moléculaire a permis d’identifier une redirection métabolique vers JA-Ile et ses catabolites au détriment de OH-JA, concomitamment à une accumulation basale augmentée de composés de défense dans les feuilles. L’inoculation par l’agent de la pyriculariose a montré une résistance accrue à cette maladie fongique chez les mutants.
Les résultats indiquent que même en absence de stress, la gestion métabolique fine de traces du précurseur hormonal JA est cruciale pour permettre une croissance optimale et réprimer les défenses chez le riz. Ils fournissent un nouvel outil pour cibler des caractéristiques d’intérêt agronomique chez cette céréale majeure.