Chez les eucaryotes, l’interférence par l’ARN (RNAi) est cruciale pour le développement et joue un rôle majeur en réponse à l’environnement. Ce mécanisme implique respectivement les micro-ARN (miARN) et les petits ARN interférents (siARN). Ceux-ci s’associent à une protéine de la famille ARGONAUTE (AGO), elle-même faisant partie d’un complexe multiprotéique nommé RISC. Ces petits ARN permettent de « programmer » le RISC, qui peut alors reconnaitre et cliver un ARN cible, inhibant alors son expression. Chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, il a été montré que la protéine AGO1, l’effecteur majeur des miARN s’associent physiquement au côté cytosolique de la membrane rugueuse du ER pour exercer son activité RNAi. La localisation subcellulaire, le trafic et la fonction de la protéine AGO1 sous condition de stress restent cependant méconnues.
Dans une étude publié par iScience, les scientifiques se sont intéressés à la localisation subcellulaire de la protéine AGO1, au cours d’un stress thermique. La température est un facteur environnemental important qui affecte la croissance et le développement des plantes, et le stress thermique (HS) entraîne une réduction significative du rendement et de la qualité des cultures. Les auteurs ont tout d’abord mis en évidence qu’un stress thermique à 37°C favorise l’accumulation de la protéine AGO1 dans les condensats cytosoliques où elle se localise avec les composants des granules de stress. Par une approche protéomique, ils ont montré que l’interactome d’AGO1 en condition de stress comporte bien les protéines connues des granules de stress, mais également certaines protéines des P-bodies et la protéine SGS3 impliquée dans la biogénèse de siRNA secondaires. Fait intéressant, la protéine AGO1 contient un domaine de type prion dans son domaine Poly-Q N-terminal qui reste encore très mal caractérisé. Ils ont ainsi montré que ce domaine est suffisant pour permettre la séparation de phase de la protéine AGO1 in vitro et in vivo. Se pose la question de la fonction de AGO1 dans ces condensats en condition de stress. Pour répondre à cette question, les auteurs ont séquencé les petits ARN associés à AGO1 et employé la technique du nanoPARE (parallel analysis of RNA 5′ ends from low-input RNA) afin d’identifier les ARN cibles des RISC au cours du stress. Cette analyse montre que le stress thermique n’affecte que modérément le répertoire des petits ARN, le chargement d’AGO1 par les miARN et les signatures de clivage des ARN cibles, ce qui suggère que sa localisation dans les condensats protège AGO1 plutôt que de favoriser ou d’altérer son activité de reprogrammation de l’expression des gènes en cas de stress. Collectivement, ces travaux ont apporté un nouvel éclairage sur l’impact de la température élevée sur un effecteur principal de l’interférence par l’ARN chez les plantes.