L’ARN double brin (dsRNA) produit lors de la réplication des virus végétaux est connu pour déclencher un mécanisme de défense de l’hôte appelé ARN interference (ARNi). Ce mécanisme restreint la multiplication du virus en provoquant la dégradation et/ou la répression traductionnelle de son génome. Pour contrer ce mécanisme de défense, les virus codent un suppresseur viral du silence de l’ARN. Précédemment, l’équipe dirigée par Manfred Heinlein à l’IBMP à Strasbourg a découvert que l’ARN double brin active également la défense antivirale par un autre mécanisme appelé pattern-triggered immunity (PTI). Cependant, le mode d’action de l’immunité antivirale PTI, la signalisation sous-jacente et la façon dont les virus contournent cette réponse de défense de l’hôte restaient jusqu’à aujourd’hui inconnus.
Dans une nouvelle étude publiée dans le journal The Plant Cell, l’équipe de Manfred Heinlein en collaboration avec l’équipe de Libo Shan de l’Université Texas A&M au College Station (Texas, États-Unis) a découvert que l’immunité induite par l’ARN double brin cible des canaux très fins mettant en relation les cytoplasmes des cellules végétales appelés plasmodesmes. En induisant le dépôt de callose aux plasmodesmes, cette nouvelle forme d’immunité réduit leur perméabilité, limitant ainsi le mouvement du virus d’une cellule à l’autre. L’équipe a identifié plusieurs composants de cette signalisation immunitaire nécessaires au dépôt de callose et a délimité une voie PTI montrant d’importantes différences par rapport aux voies PTI classiques déclenchées par des éliciteurs microbiens. Pour contrer cette réponse de l’hôte, il a également été démontré que des protéines de mouvement du virus répriment en retour cette réponse de dépôt de callose, facilitant ainsi la propagation de l’infection en supprimant l’immunité de l’hôte. Pour aller plus loin, il est maintenant important d’identifier le récepteur PTI de l’ARN double brin ainsi que les mécanismes d’action des protéines de mouvement du virus dans la suppression de cette réponse. A terme, ces découvertes permettront de mieux comprendre comment cette nouvelle forme d’immunité et l’ARNi sont contrôlés pendant la propagation de l’infection.